Bienvenue dans le septième épisode de Quarante Nuances de Retail, enfin de retour après la pause de la Toussaint.
Chez Quarante, on se donne pour mission d’accompagner nos clients dans la gestion de leur projets, notamment retail, en développant pour eux de nouveaux espaces dans lesquels leurs marques peuvent grandir et s’affirmer. À ce titre, c’est tout naturellement que nous nous devons d’être à l’affût de toutes les grandes innovations du monde retail - et cela passe, bien évidemment, par une analyse poussée de ce qui se fait chez les principaux acteurs de l’écosystème.
L’objectif de cette newsletter est triple : 1) Vous donner les clefs pour comprendre les enjeux du commerce de détail à l’ère de la croissance du e-commerce 2) Explorer la diversité des stratégies retail des marques 3) Inspirer les jeunes et moins jeunes acteurs de l’industrie grâce à des exemples concrets de réussite.
Si ce septième épisode vous en convainc, n’hésitez pas à vous abonner ici, et à le repartager sur vos réseaux sociaux.
🔎 Comme toujours, trois rubriques cette semaine :
#1 - Le Tour du Retail : quelques exemples saillants d’ouvertures de boutiques et “d’évènementiel retail” qui ont fait l’actualité des dernières semaines (DFS, Polène, AMI, Jacquemus, etc.)
#2 - La Tendance : Category Management, Visual Merchandising - distribuer et magnifier l’espace pour vendre mieux
#3 - La Vitrine : LEGO, ou comment faire de sa boutique un jeu
#1. Le Tour du retail
Dans ce bulletin, je passe en revue les principales informations à retenir en cette fin de mois de septembre côté retail. De Polène à Jacquemus en passant par AMI, les jeunes marques sont à l’honneur dans cet épisode !
DFS : Un centre commercial de luxe prévu par LVMH à Haïnan
Après des succès à Venise et Paris, c’est vers la Chine que se tourne désormais le groupe DFS pour son prochain grand projet : le DFS Yalong Bay, un gigantesque complexe commercial et de loisir de luxe à Sanya, sur l’île de Haïnan. Haïnan, une île tropicale du sud de la Chine de taille de la Belgique et du Luxembourg réunis, est une destination touristique en plein essor, sur laquelle LVMH veut miser en réunissant plus de 1000 marques et maisons de luxe sur 128 000 mètres carrés. L’île a par ailleurs été choisie par le gouvernement chinois pour devenir une zone économique spéciale et toute la province devrait être transformée en zone franche.
L’Asie a toujours été la zone de développement historique pour DFS, abréviation de Duty Free Shoppers. C’est en effet à Hong-Kong que ce géant du luxe a connu ses débuts dans la vente de produits non taxés dans les aéroports, à partir de 1960. Aujourd’hui l’enseigne est forte de 400 boutiques dans le monde, dont 18 T Gallerias, centre commerciaux en propre dont le lancement initial remonte à 1972. Sous la tutelle de LVMH depuis 1996, DFS accueille aujourd’hui plus de 200 millions de visiteurs par an dans ses boutiques et centre commerciaux, dont La Samaritaine à Paris qui a fêté sa réouverture en juin 2021.
©DFS Group Limited
Malgré le ralentissement économique amorcé en Chine, le pays reste le principal marché du luxe mondial. Un projet de cette ampleur, réunissant, autour des boutiques de luxe aux produits exonérés de taxes, restaurants, hotels et espaces de divertissement, sera donc certainement un succès retentissant chez une classe de Chinois aisés qui bénéficient d’un fort pouvoir d’achat et d’un appétit pour le luxe français qui ne semble pas prêt à faiblir.
Le complexe, dont l’ouverture est prévue pour 2026, projette d’attirer à lui seul pas moins de 16 millions de visiteurs par an d’ici 2030.
©DFS Group Limited
Polène : Un flagship parisien en perspective sur les Champs-Élysées
D’après les informations du spécialiste de l’immobilier commercial Knight Frank, le maroquinier “Polène” prépare l’ouverture d’un nouveau flagship 1,190 mètres carrés au 2, rond-point Champs-Élysées à Paris, marquant ainsi une étape majeure dans son expansion. Située au cœur de la capitale de la mode, cette nouvelle boutique incarnera l’ambition de la jeune griffe parisienne dont l'élégance a fait le succès depuis sa création en 2016.
© Knight Frank
L’architecture des boutiques Polène est à l'image de la marque : contemporaine, épurée et luxueuse. Les matériaux nobles et les détails sophistiqués créent une atmosphère chaleureuse et accueillante pour les clients qui cherchent à découvrir les créations de la marque.
La boutique devrait proposer à partir de 2024 une large gamme de produits, allant des sacs à main aux accessoires de mode. Ce flagship deviendrait la quatrième boutique de la marque en date, qui compte déjà une boutique parisienne rue Richelieu, ainsi qu’à New York et Tokyo, toutes deux inaugurées récemment.
©Polène
L'ouverture de cette boutique sur les Champs-Élysées renforce la présence de Polène dans le paysage de la mode parisienne. Les amateurs de la marque pourront désormais découvrir ses produits dans un lieu emblématique et acquérir les créations dans une boutique aux proportions colossales.
AMI Paris : Un projet ambitieux à Paris pour marquer l’accélération de la stratégie retail
La célèbre marque parisienne "AMI" serait en passe de lancer un projet d'expansion de son parc retail à Paris. Ce projet comprendrait l'ouverture d'une nouvelle boutique, de bureaux et d'un showroom, tous situés au 96, rue de Turenne dans le 3e arrondissement de Paris.
Avec déjà deux boutiques dans la capitale française, ce projet marquerait donc l'inauguration de la troisième boutique AMI à Paris. L'espace de la nouvelle boutique, d'une surface de 350 mètres carrés, était auparavant occupé par la marque de prêt-à-porter féminin "Phème".
L'emplacement stratégique au cœur du 3e arrondissement de Paris témoigne de la volonté d’AMI de rester implantée dans son quartier historique.
©AMI Paris
Cette expansion majeure, sur laquelle la marque n’a pas encore communiqué officiellement, mais qui a été révélée par Fashion Network, renforcera la présence d'AMI sur la scène de la mode et du luxe, tout en offrant aux clients un nouvel espace pour découvrir et s'immerger dans l'esthétique soigné de la marque.
Jacquemus : Un pop-up en forme de sac-à-main géant à Séoul
Après des actions marketing réussies sur fond d’images virtuelles à Paris et Villefranche-sur-Mer, la communication autour du sac emblématique “Bambino” de la marque Jacquemus est revenue en force au centre de Séoul avec l’ouverture d’un pop-up store prenant la forme d’un sac “Bambimou”, une déclinaison récente du sac Bambino avec un aspect “puffy”, dans le centre de Séoul.
Le pop-up, qui a ouvert ses portes du 20 au 29 octobre à Seongdong-gu, sur une surface de 185 mètres carrés, s’est présenté comme une reconstitution géante en blanc du sac présenté au défilé automne-hiver 2023/2024 à Versailles.
©Jacquemus
À l'intérieur, les visiteurs ont eu la possibilité d'acquérir des lisianthus soigneusement enveloppées dans un papier orné du logo de la marque. Ils ont également pu découvrir une carte exclusive tout en ayant accès à une gamme d'accessoires, notamment le fameux sac Bambimou, disponible dans diverses teintes.
Ce pop-up n’est pas sans rappeler une action marketing signée Marc Jacobs en septembre dernier, lors de laquelle la marque avait installé un sac sac géant violet dans les rues de New York. Il démontre par ailleurs encore les talents marketing de Jacquemus, notamment dans sa capacité à évènementialiser son parc retail pour assurer le succès de ses créations.
Timberland : la marque lance son premier concept store au Japon
En cette fin d’année 2023, Timberland s’installe à Tokyo en inaugurant son premier concept store dans le quartier de Daikanyama. Dans cette nouvelle boutique qui incarne l'héritage de la marque tout en intégrant une touche artistique tokyoïte, on retrouve la collection exclusive au Japon, Timberland +81 3, ainsi qu'une sélection d'articles en édition limitée et de collaborations avec des marques et artistes locaux et internationaux.
©Timberland
Le design s'inspire d'un chantier de construction ou d'un refuge de montagne, avec des éléments en contreplaqué et autres matériaux de construction en hommage aux racines de la marque. En plus des produits uniques, la boutique présente une galerie d'art "Archive Wall" illustrant l'histoire de la marque du point de vue des artistes de Tokyo. C’est tout un art du storytelling dont veut par-là se saisir Timberland, consciente de l’enjeu nouveau de faire adhérer ses clients à une culture plus encore qu’à une marque. Dans cette même logique, dans le but de fidéliser ses adeptes, la marque offre l’occasion à ses clients de personnaliser leurs vêtements et de profiter d’un service de nettoyage pour leurs anciennes bottes, au deuxième étage.
Cette boutique exceptionnelle témoigne ainsi de l'engagement renouvelé de Timberland envers l'innovation, l'intégration culturelle et la célébration de son héritage indéfectible.
Bottega Veneta : un nouveau flagship flamboyant Avenue Montaigne
Bottega Veneta a (enfin) dévoilé sa nouvelle boutique phare à Paris le 25 septembre dernier. L'espace sur deux étages au 12 Avenue Montaigne devient ainsi le premier magasin Bottega Veneta conçu par Matthieu Blazy. La boutique associe l'artisanat italien à une sensibilité moderniste, emmenant les visiteurs dans un voyage imaginaire à travers le passé, le présent, le futur, et au-delà du monde.
©Bottega Veneta, image de François Halard.
L'espace de près de 800 m2 est défini par deux matériaux essentiels : le verre, originaire de Venise, et le noyer italien. Des blocs de verre carrés industriels sont intégrés dans le sol, le plafond et les murs, créant une géométrie en grille et une lumière diffuse et homogène dans toute la boutique. Le design met l'accent sur un espace de vente en plan ouvert et lumineux, parsemé de zones de repos agréables et bordé de salons d’essayage plus confidentiels. Dans le couloir de la galerie doucement ondulée, les formes curvilignes et l'utilisation unifiée du bois créent un environnement d'intimité tranquille.
Dans l'ensemble du lieu, le lien indissoluble de la marque avec l'artisanat trouve son expression dans des meubles et des équipements uniques, notamment des supports en bois et en verre sur mesure, fabriqués à la main par des artisans vénitiens. L'importance du fait main se remarque même dès l'entrée, où la porte est dotée d'une poignée en verre unique réalisée par l'artiste japonais basé à Venise, Ritsue Mishima. D'autres crochets et poignées en laiton dans toute la boutique reprennent le motif "Drop" de Blazy, tandis que des éléments plus simples sur les miroirs de la boutique créent des réflexions ondulantes évoquant le paysage aquatique de Venise.
Le flagship, qui ouvre ainsi avec la collection complète de l'hiver 2023, abritera toutes les catégories de produits Bottega Veneta, ainsi qu'un nouveau service de personnalisation pour les pièces de maroquinerie.
#2. La tendance : Category Management, Visual Merchandising - distribuer et magnifier l’espace pour vendre mieux
Dans une industrie de la mode en constante évolution, la gestion stratégique des catégories dans les espaces de vente est devenue au fil des années une pièce maîtresse de la rentabilité et de l'attractivité des magasins physiques. C’est la notion de Category Management, née à la fin du siècle dernier et d’abord propre au monde de la grande distribution qui s’est ainsi imposée en force dans le paysage plus global du retail. Une notion nécessairement accolée à celle de Visual Merchandising : une fois les catégories rassemblées, il s’agit de les répartir dans l’espace d’une boutique. Une étape fondamentale pour les retailers, dont l’image de marque et les ventes dépendent largement de cette organisation. Une étude de RetailNext, spécialiste de l'analyse du comportement des consommateurs soulignait ainsi en 2022 que jusqu'à 70% des décisions d'achat en magasin étaient influencées par l'organisation spatiale de ceux-ci.
Dans sa forme la plus simple, le category management peut être défini comme l'association d'articles distincts pour optimiser les coûts et garantir la production continue d'un produit complet. Autrement dit, c'est la manière dont la classification des produits est effectuée.
Dans le contexte de l'industrie de la mode, cette pratique s'illustre par exemple ainsi : les produits finaux des marques de mode peuvent être regroupés en différentes catégories telles que vêtements, chaussures, accessoires, etc. Une autre méthode de classification concerne les vêtements de sport, les vêtements pour femmes, pour hommes, les maillots de bain, etc. On distingue généralement quatre types de catégorie dans la mode :
Catégories dites “principales” : ce sont celles qui définissent la marque. Par exemple, pour Nike, leurs chaussures de sport.
Catégories dites “de destination” : elles attirent les clients vers la marque, bien qu'elles ne soient pas l'offre principale. Pour Adidas, l'offre principale est la chaussure de sport, tandis que la catégorie de destination sera un t-shirt flanqué du logo Adidas.
Catégories dites “de commodité : ces catégories regroupent des produits utiles associés à la catégorie principale, sans être elles-mêmes principales ou de destination. Par exemple, des lacets pour chaussures Nike.
Catégories dites “saisonnières” : elles regroupent des produits saisonniers ou à durée limitée. Par exemple, une doudoune Nike.
Chacune de ces catégories a un objectif différent et doit donc être clairement définie pour une gestion efficace. Alors que les catégories principales génèrent des profits et accroissent la notoriété de la marque, les catégories de destination attirent les clients mais ne sont pas nécessairement les plus profitables.
Une fois définies ces catégories, c’est ici que le Category Management se confronte à la logique du Visual Merchandising. Ce dernier fait l’essence d’une marque : il permet de mettre en évidence les pièces phares, celles à fortes marges (souvent des catégories de commodité, près des caisses), ou celles qui reflètent l’image que souhaite se donner le retailer.
Cette influence du CM et du VM se manifeste par divers exemples notables. D’abord, en remarquant la place fondamentale qu’ils occupent pour les géants du textile, qui en font un argument pour attirer leurs clients en magasin. Par exemple, Zara, pionnier de la "fast fashion", réorganise ses espaces de vente chaque semaine pour refléter les dernières tendances. Cette approche agile est basée sur une analyse rapide des données de vente, assurant un flux constant de clients curieux de découvrir les nouveautés, tout en influençant les décisions d'achat.
Quant à l’image des marques, l’introduction par H&M des sections "Conscious Collection" dans ses magasins, dédiées aux vêtements éco-responsables, témoigne de la place que peut jouer l’organisation de l’espace pour transformer en “green” une marque souvent critiquée pour son manque d’investissement sur les sujets ESG. Ces espaces spécifiques sensibilisent les clients aux alternatives durables, influençant ainsi leurs choix lorsqu'ils naviguent dans le magasin - même si d’aucuns y verront, peut-être à juste titre, une tentative de greenwashing.
©H&M
En matière de category management, force est de remarquer que les pratiques ont par ailleurs évolué. Adidas, par exemple, utilise désormais l'intelligence artificielle pour anticiper les tendances et ajuster ses assortiments. En analysant les données des réseaux sociaux et les historiques d'achat, la marque optimise ses collections pour répondre aux attentes changeantes des clients. Ici comme ailleurs, on retrouve la logique du phygital qui s’impose partout dans le retail. Car à l’inverse, le VM se transpose dans le digital, où l’organisation des pages d’accueil des sites de marques de mode devient un élément fondamental pour leurs ventes.
Ici comme ailleurs, la créativité est reine pour mettre en évidence des espaces ou des catégories. S’il est indispensable pour chaque marque de proposer un VM qui lui est propre, quelques éléments reviennent presque toujours avec insistance. Ce sont autant de conseils que nous pouvons donner aux retailers qui s’interrogent sur leur visual merchandising :
Utiliser les jeux de couleur et de lumières: il existe une couleur pour chaque humeur, chaque saison, chaque collection. Les retailers doivent considérer le pouvoir de la coordination des couleurs lors de la planification de leurs présentations. A ce titre, il est indispensable de rester fidèle à l’identité visuelle de sa marque. Ce ne sont pas seulement les couleurs vives qui attirent l'attention - une présentation simple en noir et blanc peut susciter l'intérêt des clients. Dans cette même logique, l’éclairage est lui aussi fondamental.
©Courrèges
Ne pas avoir peur du vide - on considère généralement, à raison d’ailleurs, que l’espace doit être utilisé autant que possible. Les loyers commerciaux sont chers dans les grandes villes, et il est naturel de vouloir rentabiliser l’espace au maximum. Mais tout est question d’équilibre. Chaque centimètre carré du sol du magasin ne peut pas être rempli de merchandising. Au lieu de cela, une utilisation astucieuse de l'espace vide, comme l'utilisation de panneaux dans l'espace entre la marchandise et le plafond, ne submergera pas les clients. Au contraire, le vide met en valeur le plein, de même que le blanc met en valeur la couleur. Tout est question de point focal - les articles qui attirent l’oeil feraient jusqu’à 229% (!) de ventes en plus d’après une étude de Rick Spiegel (cf. sources en fin d’article).
Donner vie aux produits : le merchandising visuel peut aider les clients à imaginer comment un article se présentera chez eux ou même comment ils le porteront. La manière la plus courante de présenter des articles dans un magasin de vêtements est d'utiliser des mannequins. Mais il existe mille autres manières de faire vivre un produit, et en la matière, IKEA offre de bons exemples en plaçant ses articles dans des pièces de vie reconstituées.
©IKEA
Utiliser l’art, les fleurs, tout ce qui peut être visuellement saisissant : les fleurs favorisent la relaxation et procurent un sentiment de calme. Pour des marques avec plus de moyens, penser à des artistes pour sculpter des pièces impressionnantes est aussi une manière de se distinguer. Un exemple ici avec un magasin Dior à l’allure impressionnante.
©Dior
Rendre les produits interactifs : un nombre croissant de retailers utilisent la réalité augmentée dans leurs efforts de visual merchandising - du phygital, là encore. C’est un passage obligé pour les marques qui veulent dynamiser leur retail et souhaitent épouser pleinement leur époque.
©Ralph Lauren
Penser la saisonnalité : les produits saisonniers ou conçus pour des occasions spéciales devraient toujours être affichés à l'avant / l’entrée du magasin, ou près des caisses - l’enjeu d’écoulement des stocks étant plus fort. Intégrer des articles saisonniers dans les efforts de merchandising en vitrine aidera également à attirer de nouveaux clients qui pourront ensuite être fidélisés.
Utiliser le point d’encaissement : l’encaissement, c’est l’occasion de vendre les catégories de commodité. De même qu’un supermarché vend des chewing-gum en priorité devant les caisses, tous les autres retailers doivent penser leurs espaces d’encaissement pour maximiser leurs ventes.
Voilà donc les quelques principes généraux. Mais malgré tous ces conseils, en matière de Visual Merchandising, il n’y a pour autant pas de règle figée. L’essentiel est de comprendre les logiques catégorielles, qui dépendent des produits phares de chaque marque, ainsi que de la segmentation de leur clientèle. Le seul maître mot reste le dynamisme - un visual merchandising efficace est un visual merchandising en mouvement, qui évolue en permanence au grès des saisons et des collections, tout en conservant une cohérence pérenne et fidèle à l’image et l’identité d’une marque.
#3. La vitrine : Lego, ou comment faire de la boutique un jeu
“Entreprise la plus puissante du monde” en 2015 (Brand Finance), “Marque la plus aimée du monde” en 2020 (Talkwalker), 1er fabricant de jouet en 2022 devant Mattel et sa poupée Barbie, LEGO n’en finit plus de défrayer la chronique depuis quelques années. Et ce à l’heure où le jeu, comme les ventes, se digitalise, occasionnant la plus grave crise de l’histoire de son concurrent Playmobil, qui devrait supprimer 700 postes d’ici à 2025. Un succès dopé par la crise Covid, et caractérisé par une progression des ventes de 27% en 2021, une croissance inédite renouvelée en 2022 (+12%), pour atteindre un chiffre d’affaires total de 8,6 milliards d’euros. Un succès qui n’a également rien d’évident quand on connaît la crise traversée par le fabricant danois au début du siècle.
Retour sur une success story qui s’explique en large partie par une stratégie retail gagnante.
Créée dans les années 1930, la marque LEGO s’est rapidement imposée, dans la deuxième moitié du siècle, comme la marque de jouet de référence des enfants et de plus grands, jusqu’à compter plus de 1000 boutiques en 2024. Ce succès est le fruit d’une stratégie résumée en février 2017 par J. Vig Knugstrop, alors CEO du groupe : « La bataille ne se gagne pas dans le bureau du CEO. Elle se gagne dans chaque marché, à la rencontre des clients ». Car c’est bien au contact de ses clients que la marque a construit son succès. La marque aux sept boîtes vendues par seconde a en effet construit une stratégie, du digital au physique, qui convoque la participation du consommateur à chaque étape.
©LEGO
La première brique (sans mauvais jeu de mot) de cette stratégie, c’est d’abord la création de contenu. LEGO est devenu un média au-delà d’une marque, un producteur de cinéma, une communauté d’influenceurs - un acteur du “positive entertaining”, un divertissement qui aide au développement personnel des enfants. La stratégie d’accord avec des franchises cinématographiques (Harry Potter, Star Wars, etc.) au sortir des années 90 et son incursion dans le gaming et le cinéma ont non seulement sauvé l’entreprise du marasme mais aussi et surtout fait de la petite brique jaune une icône de la pop culture contemporaine. Avec 17 millions d'abonnés sur YouTube, pour des vidéos cumulant plusieurs milliards de vues, la stratégie de contenu communautaire est aujourd’hui analysée et dirigée par la data pour maximiser l'engagement et identifier les opportunités de 'cross-sell' entre différentes communautés. Le succès des deux opus de La Grande Aventure Lego au cinéma témoigne lui aussi de cet engagement inconditionnel des fans de la marque. A ce titre, LEGO assume pleinement son rôle sociétal, en témoigne la réussite de la collection “Les Femmes Scientifiques” pour répondre à la critique sur le manque de personnages féminins.
Lorsqu’elle n’est pas productrice de contenu, LEGO laisse aussi ses clients devenir ses ambassadeurs. En favorisant le 'User Generated Content', Lego bénéficie d'une force de frappe considérable : de quoi laisser les autres marketeurs songeurs dans la mesure où plus de 90% des contenus LEGO visionnés sur les réseaux sociaux sont des UGC – autrement dit produits par les fans eux-mêmes. L’une des forces de LEGO tient donc dans sa relation de co-création et de proximité avec ses clients adultes. Le concept de “Lego Ideas” associe directement sa communauté au développement de la marque et valorise les créateurs les plus investis. Ainsi les fans de LEGO sont invités à imaginer les futures sets qui seront commercialisés en magasin. Si LEGO s’autorise quelques modifications, le projet qui récolte le plus de soutien et qui est retenu dans la shortlist se voit commercialisé.
Voilà donc pour la brique digitale. Mais la maison LEGO se construit aussi et surtout par ses briques physiques. L’expérience LEGO en magasin est incomparable et se caractérise en trois mots : créativité, relation et innovation.
De la créativité d’abord. Il suffit de poser un pied dans une boutique LEGO pour se rendre compte qu’elle n’a rien de comparable avec une autre. A ce titre, le LEGO de Leicester Square à Londres, est probablement l’un des plus éloquents. Pas besoin d’en dire davantage, les images ci-dessous parlent d’elles-mêmes : designs grandiloquents, sculptures grandeur nature… tout y est.
©LEGO
De la relation ensuite. Le magasin LEGO est un lieu de vie avant d’être un lieu d’achat, un monde convivial où les adultes ont l’occasion de retomber en enfance. La logique du retailtainment y est appliquée avec soin. LEGO théâtralise la vente en laissant une grande place au jeu en magasin, en offrant notamment l’occasion aux clients de construire leurs sculptures LEGO en boutique.
Dans l’expérience d’achat, LEGO transpose au monde du jeu l’idée “d’essayage” d’habitude propre au monde de la mode. Les conseillers de vente sont par ailleurs poussés à co-construire les créations avec leurs clients, métaphore d’une marque qui se construit avec sa communauté. En boutique, petits et grands se retrouvent ainsi - ce qui explique d’ailleurs sûrement la part significative d’adultes parmi les consommateurs finaux des produits LEGO. La relation avec la marque se construit même d’ailleurs par-delà les boutiques : avec ses musées ou encore des parcs d’attraction LEGOLAND, la marque assure sa permanence dans l’univers culturel du XXIème siècle.
De l’innovation enfin. En 2019, LEGO lançait à Paris son service Mosaic Maker - un photomaton qui n’a rien de classique. Il permet aux visiteurs des Lego Store qui en disposent, de se prendre en photo afin de créer leur portrait … en Lego. La démarche est simple : il suffit de s’installer, suivre les indications présentes à l’écran, de laisser la machine vous prendre en photo et de sélectionner celle qui vous plait le plus. Une fois l’opération réalisée, la machine ira chercher les pièces nécessaires pour construire le portrait et ressortira un plan ainsi qu’une boite de 4502 pièces pour le créer. Une innovation qui se fait donc au service de la personnalisation des produits, un autre mot-clef pour tous les retailers modernes.
Le second dispositif phygital chez LEGO Store met en avant la réalité augmentée. Il s’agit de ce que LEGO appelle la “Digital Box”. Le principe est une fois de plus très simple pour le visiteur. Il lui suffit d’aller chercher une boite de jeu LEGO dans les rayons et de la placer face à la caméra de la « Digital Box » pour voir apparaitre, sur l’écran, une représentation 3D de ce qu’il est possible de réaliser avec le contenu de la boite.
©LEGO
Ce miroir digital, en plus du côté ludique qu’il représente au sein des LEGO Store, porte un véritable intérêt marketing. En effet, ce dispositif répond aux besoins de nombreux consommateurs qui, avant d’acheter un produit, souhaitent voir le produit et l’essayer - c’est d’ailleurs le principal avantage du physique sur le e-commerce . En outre, cette Digital Box est aussi un élément qui permet de rassurer le consommateur avant l’achat, certains produits pouvant parfois atteindre des prix élevés.
La stratégie retail adoptée par LEGO est donc principalement axée vers une « maîtrise du temps de l’expérience » en magasin. En effet, dans des « Stores » souvent bondés, il est nécessaire de mettre en place des dispositifs permettant de faire attendre les consommateurs ou de les renseigner afin de décharger le travail des vendeurs qui pourraient rapidement se retrouver débordés. Grâce à ce miroir digital, le consommateur peut déjà obtenir certaines réponses avant de poser de potentielles questions complémentaires à un vrai conseiller de vente.
Cette stratégie se complète enfin par un category management habile, une adaptation des couleurs et du design des boutiques à leur implantation géographique, et à une stratégie d’encaissement pensée pour faire acheter davantage. Avant d’arriver à la caisse le client est en effet obligé de parcourir un chemin tracé à l’aide de barrières qui sont autant de mini-étagères permettant d’exposer ceux qui les voient à la tentation des boîtes de Lego.
©LEGO
LEGO mobilise donc tous les ingrédients d’une recette retail réussie, et toujours engagée. Un engagement qui se traduit aujourd’hui par un engagement croissant pour le développement durable - enjeu fondamental pour le Numéro un mondial du jouet qui consomme en moyenne 133 000 tonnes de plastique par an. LEGO vise en effet l’’usage de matériaux 100% durables d’ici 2030. L’enjeu est de remplacer le plastique ABS que l’on retrouve dans ses produits par un matériau biosourcé : le polyéthylène. Là encore, la stratégie est cohérente et fidèle à l’expérience client en boutique - proche des gens, la marque se veut proche de leurs convictions. Après avoir relevé le défi du retail, avec un parc de boutiques qui ne cesse de s’étendre, le géant du jouet se lance à la conquête du défi vert - nul doute que la brique en plastique saura là encore se “renouveler”.
Sources
https://insideretail.asia/2023/10/25/timberland-opens-first-concept-store-in-japan/
https://www.numeromag.nl/bottega-veneta-reopens-paris-flagship-store/
https://fashinza.com/brands-and-retail/management-tips/procurement-and-category-management-in-a-fashion-company/ https://www.deputy.com/gb/blog/10-creative-examples-of-retail-visual-merchandising
https://www.lsa-conso.fr/du-produit-au-client-la-strategie-payante-de-lego-tribune,314156 https://www.bananepourpre.fr/lego-store-une-experience-entre-physique-et-digital-au-service-du-consommateur/
https://www.journalduluxe.fr/fr/business/dfs-lvmh-centre-commercial-luxe-hainan-chine#:~:text=Plusde 1.000 Maisons%2C marques,Hainan%2C d'ici 2026.
https://www.intotheminds.com/blog/retail-voici-lego-sassure-depensiez-plus/
https://www.intotheminds.com/blog/retail-voici-lego-sassure-depensiez-plus/
**The LEGO Group history - About Us**LEGOhttps://www.lego.com › en-us › the...